Le projet Starlink est aussi simple qu’ambitieux : fournir un accès à Internet à large bande à travers le monde grâce à une constellation de satellites en orbite basse (environ 550 à 570 km de la surface de la Terre). Il n’est pas le premier projet du genre à voir le jour, d’autres initiatives visant à fournir une connectivité mondiale par satellites l’ont prédécédé. Iridium, OneWeb ou Teledesic, par exemple, mais il est sans aucun doute le plus abouti. Le 22 mars 2024, SpaceX lancera le 148ᵉ lot de 23 satellites qui composent sa constellation, portant leur nombre exact à 6 056. Ce n’est que le début, puisque SpaceX prévoit de mettre en orbite 12 000 satellites d’ici l’année 2025 et 42 000 satellites au total. Un projet à 10 milliards de dollars qui met les opérateurs télécoms conventionnels face à une nouvelle forme de concurrence, encore plus depuis l’arrivée des forfaits mobiles depuis cette année.
Impact potentiel de Starlink sur les opérateurs télécoms traditionnels
L’un des atouts majeurs de Starlink réside dans sa capacité à fournir une connexion internet à très haut débit (de 100 à 200 Mbits/s pour le grand public) partout sur le globe. Ce y compris dans les régions très isolées, montagneuses, ou celles souffrant d’un manque d’infrastructure. La différence principale entre le système pensé par Starlink et les autres réseaux terrestres, c’est sa simplicité de mise en œuvre. Effectivement, ces derniers requièrent des investissements colossaux pour le déploiement de câbles ou de fibres optiques pour assurer leur bon fonctionnement.
Starlink s’affranchit complètement de ces contraintes physiques et financières puisqu’il suffit aux utilisateurs de disposer d’une antenne de réception. C’est elle qui reçoit les signaux émis par les satellites, qui les convertit en signal internet et qui le transmet ensuite à l’appareil de l’usager via une connexion câblée ou sans fil. En termes de déploiement, il n’y a rien de plus simple comme on peut le voir dans cette vidéo.
https://youtube.com/watch?v=AmgwkKgZaGk%3Fsi%3D0KxXTP8AGhe_2Vxe
L’un des impacts les plus importants pour les opérateurs traditionnels (sur le plan de la connectivité internet comme de la téléphonie) est certainement la pression à innover et à réduire les tarifs. Comment rester dans la course face à un concurrent qui s’est affranchi des obstacles principaux liés au déploiement d’infrastructures terrestres ? Sans aucun doute, les acteurs historiques sont incités, par la force des choses, à accélérer leur transition vers des technologies plus efficientes et moins coûteuses. On pense notamment à la 5G (si vous voulez tester votre couverture mobile, nous avons une page dédiée pour cela) ou à la fibre optique à déploiement rapide.
Outre cet aspect, les opérateurs traditionnels, comptaient sur l’absence totale de concurrence dans certaines régions (zones rurales, communautés insulaires ou pays en développement) afin de maintenir des tarifs élevés. Aujourd’hui, ils ont un challenger de taille.
Face à Starlink, la concurrence s’agite pour être capable de proposer des services Internet par satellite. L’offre Nordnet d’Orange, par exemple, pourrait être considéré comme l’une des concurrentes les plus sérieux à Starlink dans l’Hexagone. D’autres initiatives existent, bien que moins développées (SkyDSL, Europasat, Sat2Way ou Alsatis, etc.). Cela prouve que les opérateurs traditionnels commencent à reconnaître l’importance de diversifier leurs moyens de connectivité.
Toutefois, Starlink reste devant, que ce soit en termes de vitesse ou de latence de connexion. À la fin de l’année 2023, Starlink a de plus levé le voile sur une nouvelle fonctionnalité, baptisée « Starlink Direct to Cell » afin d’offrir la possibilité aux possesseurs de smartphone de pouvoir envoyer des messages directement par satellite.
Initialement, l’offre était située à 100 euros par mois (coût hors antenne), mais au début de l’année 2024, l’entreprise a de plus considérablement baissé ses tarifs (voire image ci-dessus ou le site officiel pour disposer de tous les détails sur les forfaits). L’offre mobile standard est passée alors à 69 euros par mois, soit une remise de 30 %. L’offre la plus onéreuse permet de téléphoner partout dans le monde pour 230 euros par mois. Les opérateurs traditionnels, s’appuyant sur des infrastructures terrestres avec des coûts fixes importants, pourraient peiner à s’aligner sur les tarifs de Starlink sans trop compromettre leurs marges.
Aujourd’hui, rivaliser Starlink sur son propre terrain reste compliqué à imaginer, étant donné la force de frappe de SpaceX. Pour les opérateurs conventionnels, développer leurs propres constellations n’est pour le moment pas d’actualité. La seule solution résiderait dans l’établissement de partenariat avec des acteurs privés du secteur spatial pour tenir la cadence. Même dans ce cas-là, le retard à rattraper est immense.
Défis pour les opérateurs historiques et stratégies d’adaptation éventuelles
L’arrivée de ces forfaits est un véritable coup de pied dans la fourmilière des télécoms. Pour rester dans la course face à la puissance du satellite, les opérateurs traditionnels n’ont pas d’autre choix que d’adopter une approche multi-facettes établie sur plusieurs axes : innovation, diversification et collaboration.
Tout d’abord, cela passera nécessairement par une amélioration de l’infrastructure et de la couverture réseau, en particulier la 5G. Afin de réduire l’avantage concurrentiel principal de Starlink, il sera nécessaire d’étendre leur couverture réseau dans les zones rurales et éloignées. Un autre levier sur lequel appuyer pourrait être de proposer des bundles et des forfaits regroupant plusieurs services (internet, mobile, télévision) à des tarifs plus compétitifs qu’aujourd’hui.
Innover dans des services à haute valeur ajoutée peut être aussi une solution : services de sécurité avancés, solutions de domotique intégrées aux forfaits, service de santé ou d’éducation numérique, etc. Se limiter à proposer exclusivement des services de connectivité internet ou de téléphonie pourrait être, à terme, un choix stratégique discutable face à la montée en puissance de Starlink. Dernier point : développer un service client d’une qualité exceptionnel ainsi qu’une assistance technique fiable pourrait vraiment faire la différence pour fidéliser leurs clients tout en créant un avantage concurrentiel durable.
Comme beaucoup d’entreprises pilotées par Musk, Starlink représente à la fois un défi, mais aussi une opportunité d’amélioration pour les opérateurs conventionnels. Si ceux-ci n’évoluent pas rapidement, Starlink est clairement une menace au long terme, surtout si les tarifs des forfaits de la société continuent à baisser. En revanche, elle est aussi une formidable occasion pour les acteurs historiques des télécoms de revoir leur business model, et d’envisager de nouvelles stratégies d’adaptations. Finalement, dans ses conséquences directes et indirectes sur son secteur, Starlink ne diffère pas beaucoup de Tesla ; elle est une véritable onde de choc qui catalysera certainement à l’avenir l’adoption de nouvelles normes.
