Voilà déjà un peu plus de trois ans que la 5G a été annoncée en France. En septembre 2020, les opérateurs de télécommunications ont entamé les premiers déploiements de réseaux 5G dans certaines régions du pays. L’annonce a été suivie par la suite d’une série de lancements commerciaux dans différentes grandes villes françaises. Paris, Marseille, Lyon, Nice ou Bordeaux ont été les premières à bénéficier de cette nouvelle technologie de réseau. Comme à chaque génération, les promesses sont peu ou prou les mêmes : vitesses de téléchargement accrues, latence réduite et une plus grande capacité à connecter un plus grand nombre d’appareils simultanément sur un même réseau.
Selon les chiffres de l’ARCEP, « plus de 12 millions de cartes SIM ont été utilisées sur les réseaux 5G au cours du troisième trimestre 2023 » avec une progression du nombre d’utilisateurs s’élevant à environ 1 million par trimestre. La 5G progresse donc, lentement, mais sûrement. Toutefois, même le réseau 4G ne couvre pas actuellement encore l’ensemble du territoire, avec de très fortes disparités entre les zones rurales et urbaines. La 5G va-t-elle faire mieux que son prédécesseur et étendre sa couverture actuelle plus efficacement que celle de la 4G ?
État actuel de la couverture 5G et ambitions à court terme
L’année 2021 a été marquée par les tumultes de la crise sanitaire mondiale due à la COVID-19, qui ont provoqué un report des objectifs initiaux de déploiement de la 5G. Dès 2020, les opérateurs nous avait promis au moins deux villes par opérateur ; néanmoins, le contexte a mené à repousser cette ambition à 2021. Après cette période de stagnation, le bilan de 2022 était bien plus positif, notamment grâce à l’exploit de Free qui a réussi à ériger plus de 3 000 sites 5G (installation qui permet la transmission et la réception des signaux 5G entre les appareils mobiles et le réseau de télécommunications).
Si l’opérateur a été aussi efficace, c’est qu’il s’est appuyé sur la bande 700 MHz, une stratégie qui a permis une expansion très rapide de sa couverture, en faisant quelques compromis sur la rapidité des débits. Un choix pragmatique visant à donner une accessibilité accrue au réseau aux utilisateurs. On reconnaît bien ici la politique d’entreprise de Free.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les ambitions sont encore assez élevées, puisque l’ensemble des opérateurs télécoms espère bien établir pas moins de 8 000 sites 5G supplémentaires d’ici la fin de l’année 2024. Selon le rapport de l’ARCEP Observatoire du déploiement 5G France Métropolitaine, le territoire en comportait 37 984 d’après les données fournies par les opérateurs en septembre 2023. Le pari semble donc largement réalisable. Cette projection inclut une attention particulière aux zones moins denses, marquant une volonté d’inclusivité territoriale plus importante.
Au passage, la ville de Paris, en anticipation des Jeux Olympiques de 2024, sera présentée comme une réelle vitrine de cette technologie. Tous les sites reliés à l’événement (stades, villages olympiques, zones pour les spectateurs, infrastructures de transport et lieux touristiques majeurs) seront dotés d’une connectivité 5G.
Perspectives à long terme et enjeux de la couverture intégrale
Prochain horizon ? L’année 2030, avec la promesse d’une couverture totale du territoire. Une ambition nationale, technologique, mais aussi sociale. Le projet de la couverture globale vise à garantir que les bénéfices de cette nouvelle génération de connectivité soient équitablement répartis à travers le territoire français. En effet, si développé soit notre beau pays, il demeure encore actuellement des lacunes persistantes de la couverture 4G dans les zones rurales. Une réalité que l’UFC-Que choisir qualifie d’« inégalité territoriale extrêmement marquée ». Vous vous êtes sûrement déjà retrouvés en pleine campagne, votre smartphone à la main, ce dernier affichant bien qu’il était bien relié au réseau 4G. Théoriquement, c’est vrai, mais ce n’est pas parce que vous êtes reliés au réseau que celui-ci sera exploitable par votre téléphone.
Dans 14,3 % des débits relevés (chiffres de 2022), ceux-ci étaient parfois inférieurs à 8 Mbit/s, voire 3 Mbit/s. Dans ce dernier cas, se servir d’Internet normalement n’est même pas pensable. Toujours selon ces mêmes chiffres, dans 32 % des cas, les 8 Mbit/s ne sont pas atteints, alors que c’est le seuil caractérisé comme « bon débit » par le gouvernement. En revanche, en zone urbaine, les débits atteignent une moyenne de 55,3 Mbit/s. Le fossé reste encore énorme.
La 5G va-t-elle combler ces écarts ? Selon l’UFC Que-Choisir, pour le moment, nous sommes encore loin du compte. Dans cet article, l’association de consommateurs lève le voile sur ce qui se cache réellement derrière les promesses de la 5G et, pour le moment, ce n’est pas bien reluisant. En effet, si celle-ci est censée nous donner accès à des vitesses jusqu’à trois fois plus rapides, les résultats montrent qu’en pratique, l’augmentation de débit ne dépasse pas souvent pas 50 %. Et encore, ce, dans le meilleur des cas. Il y a de fortes variations dans les performances ; certaines zones semblent profiter de débits plus élevés, tandis que d’autres doivent faire avec un signal 5G plus faible que la 4G. Un comble.
Un état de fait qui se vérifie notamment auprès des abonnés Free, qui a tout misé sur l’expansion rapide, au détriment de la qualité du signal. Les opérateurs performant le plus à l’exercice sont, comme d’habitude : Orange (autant en 4G qu’en 5G) suivi de près par SFR et Bouygues. Free devra se contenter de la dernière place. Actuellement, le déploiement de la 5G ne sert absolument pas les zones rurales, c’est même l’inverse. Les écarts de débits se creusent avec les zones urbaines. Une situation plutôt alarmante, qui contribue à renforcer les inégalités territoriales et, par conséquent, la fracture numérique.
Quelles solutions pour les zones rurales ?
Certaines avancées technologiques pourraient pallier les limitations actuelles que connaît le déploiement de la 5G. La première est le network slicing, une capacité technique clé de la 5G permettant de personnaliser l’allocation des ressources réseau pour répondre spécifiquement aux exigences des zones rurales. Pour mieux illustrer et comprendre ce qu’est le network slicing, on peut imaginer le réseau mobile comme un gigantesque système autoroutier. Dans ce système, les données (ici des voitures), circulent constamment en partageant les mêmes voies, indépendamment de leur destination ou de la rapidité avec laquelle elles doivent y arriver. Cela fonctionne, mais ce n’est pas optimal ; c’est là que le network slicing intervient.
Grâce à lui, il serait possible de diviser cette autoroute en plusieurs voies spécialisées : une pour les mails, une pour le streaming vidéo, une pour la navigation web traditionnelle, etc. La circulation serait alors bien plus optimisée. Le network slicing est encore développement et sa mise en œuvre à grande échelle dépendra de plusieurs facteurs comme les normes internationales ou les infrastructures réseau disponibles.
D’autres technologies existent, bien que plus en marge que le slicing. La bande millimétrique (mmWave) par exemple, permet des vitesses de données très rapides en exploitant des fréquences plus élevées. Plus avancée dans son déploiement, la technologie Massive MIMO augmente la capacité du réseau par l’utilisation d’un grand nombre d’antennes sur une seule station de base. Les réseaux non terrestres (NTN), utilisant des satellites et des drones pour étendre la couverture, sont aussi en expérimentation. Les solutions ne manquent pas, mais une chose est certaine : la couverture 5G globale, malgré les promesses initiales, n’est pas pour maintenant. Pour le moment, le constat est plus que mitigé, et l’horizon 2030 n’est pas si lointain au vu de l’ampleur du chantier. L’horloge tourne, et la France s’est engagée dans une réelle course contre-la-montre !