« Modèle amish », « retour à la lampe à huile » ou encore « porno en HD dans l’ascenseur », la 5G opère un retour fracassant dans le débat politique, sujet polémique parmi de nombreux autres portés ces dernières semaines par les maires « verts » en place depuis les dernières élections municipales. Pourtant, alors que les pros et les antis de tous bords adoptent des postures particulièrement tranchées, les Français montrent au contraire beaucoup plus de pondération que les responsables politiques, voire désavouent les déclarations les plus catégoriques.
Le sondage Ifop pour Lemon.fr, réalisé auprès d’un double échantillon de 1.020 Français et de 1.031 habitants des communes de 100 000 habitants et plus (dont plus de la moitié de la population est dirigée par des majorités municipales comptant des membres d’Europe Écologie Les Verts dans leurs rangs), révèle ainsi que les Français se positionnent majoritairement en faveur du déploiement de la 5G, malgré certaines réserves, et affichent un désaccord massif avec les déclarations tonitruantes des élus EELV.
Les polémiques sur la 5G et sur divers sujets d’actualité provoquées par les élus EELV
Lorsque l’on interroge l’ensemble des Français ainsi que les citadins sur les récentes polémiques sur la 5G et d’autres sujets d’actualité provoquées par les élus EELV, on observe que ces derniers sont en accord.
Deux Français sur trois (65%) ne partagent pas le sentiment du maire de Lyon pour qui le tour de France serait une compétition machiste et polluante, tout comme la majorité des habitants des villes de plus de 100 000 habitants administrées par des maires EELV : 59% d’entre eux désapprouvent l’idée selon laquelle la Grande boucle ne serait « pas écoresponsable » et continuerait à « véhiculer une image machiste du sport »
De même, lorsque Patrick Chaimovitch, maire de Colombes, affirmait que “les gendarmes français qui ont obéi aux ordres de leurs supérieurs en mettant en oeuvre la rafle du Vel’ d’Hiv’ sont les ancêtres de ceux qui, aujourd’hui, traquent les migrants, les sans-papiers”, cette affirmation n’est pas réellement partagée par 79% des Français et 74% des citadins.
Aussi, près de huit Français sur dix (79%) se disent opposés au retrait de grands sapins de Noël sur les grandes places de villes, sachant que cette opposition au projet du maire de Bordeaux est aussi très forte dans les communes de plus de 100.000 habitants, administrées par des maires EELV (80%).
Enfin, 82% des Français désapprouvent le constat du maire de Grenoble selon laquelle que la 5G ne servirait qu’à « regarder du porno dans l’ascenseur » : une nette majorité de sympathisants EELV étant également en désaccord avec les propos de Eric Piolle sur ce sujet (75%).
Des affirmations qui laissent penser que l’ensemble des Français n’est globalement pas en accord avec les affirmations que peuvent faire leurs élus.
La position sur le déploiement de la 5g
Lorsque l’on interroge les Français sur la notoriété de la technologie 5G, la quasi-globalité des citadins (95%), affirme en avoir déjà entendu parler de la nouvelle génération de téléphonie mobile appelée “5G”.
Cette technologie, nouvelle génération de standard pour la téléphonie mobile, donne ainsi accès à des débits de données cent fois plus rapides que la “4G” pour dix fois plus d’appareils connectés sur une même zone. Certains considèrent ainsi que cette technologie répond à la demande croissante de données et permettra de développer de nouveaux usages alors que d’autres contestent sa nécessité et son innocuité.
Ainsi, 63% des Français souhaitent que les pouvoirs publics facilitent le déploiement de la 5G en France, sachant que ce souhait est également partagé par une majorité de sympathisants EELV (57%) et d’habitants des métropoles administrées par des maires EELV (56%). Un point de vue également partagé majoritairement par les sympathisants LREM (81%).
Concernant l’adhésion au déploiement de la 5G dans sa commune, 61% des habitants des grandes villes sont favorables au déploiement de la 5G dans leur commune. Notamment les sympathisants LREM (78%), et les Républicains (74%).
Toutefois, aujourd’hui, certaines personnes sont encore opposées au déploiement de la 5G. Un sujet qui divise puisque près d’un Français sur deux serait favorable à la suspension du déploiement de la 5G en France au moins jusqu’à l’été 2021. Un avis majoritairement partagé par les sympathisants EELV et de LREM, mais également par les Français se sentant Gilet jaune (73%).
À tel point qu’un Français sur cinq serait même favorable à la destruction des antennes-relais pour protester contre le déploiement de la 5G. Une révolte majoritairement présente chez les sympathisants EELV (29%).
Le déploiement de la 5G a également entraîné des débats sur la sécurité nationale dans plusieurs pays, certains redoutant que les fabricants chinois Huawei et ZTE ne profitent de l’utilisation de leurs équipements pour espionner les communications pour le compte des autorités chinoises. Aux États-Unis notamment, Donald Trump a banni ces deux entreprises des réseaux 5G américains, affirmant clairement son opposition. Une position partagée par la majorité des Français (72%), qui estiment que la France devrait contraindre les opérateurs français à déployer le réseau 5G uniquement avec des équipements européens. Notamment les sympathisants EELV plus nombreux (75%) à défendre ce point de vue.
Malgré tout, la moitié des habitants des grandes villes (50%), se disent disposés à souscrire un abonnement 5G, notamment les sympathisants LREM (70%).
Santé, vie privée, écologie… Quelles sont les craintes liées à la 5G ?
Lorsque l’on interroge les Français habitants dans des grandes villes sur leur adhésion à différents arguments concernant la 5G, les avis sont partagés : 75% d’entre eux sont d’accord avec le fait que la 5G permettra de généraliser des activités à distance comme le télétravail, la télémédecine (consultation, opérations…) et l’enseignement à distance.
De même, 66% pensent que le déploiement de la 5G constitue un progrès pour la société, et que son déploiement permettra de désengorger des réseaux de télécommunication en saturation (64%). Enfin, 59% sont d’accord avec le fait que le déploiement de la 5G permettra d’augmenter la compétitivité des entreprises françaises et sauvegarder des emplois qualifiés en France.
Au contraire, 72% ne sont pas d’accord avec le fait que la généralisation de la 5G permettra une plus importante collecte des données personnelles par des organismes publics et privés, 65% avec le fait que l’augmentation de la consommation électrique provoquée par l’usage de la 5G constitue une menace pour les ressources naturelles et l’environnement. Un désaccord également affirmé pour 51% avec le fait que la technologie 5G a des effets négatifs avérés sur la santé humaine, mais aussi avec le fait qu’il y a un lien entre la progression de l’épidémie de Covid-19 et le déploiement de la 5G (15%).
Concernant la perception de l’innocuité de différentes sources d’ondes électromagnétiques, 56% des Français et 54% des citadins trouvent que les antennes de téléphonie mobile et les téléphones portables sont plutôt sûrs pour la santé humaine.
Une confiance en nette augmentation depuis 2011 (+38 points). Un avis majoritairement partagé par les sympathisants LREM (75%). De même, 58% des Français et 51% des citadins trouvent plutôt sûrs pour la santé humaine, les bornes wifi et les appareils connectés au wifi.
Cette technologie préoccupe également l’état de santé. Ainsi, la moitié des Français est préoccupée par les risques pour la santé liés aux champs électromagnétiques. Notamment les sympathisants EELV (68%).
Enquête réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 16 septembre 2020, auprès d’un échantillon de 1.020 personnes, représentatif de l’ensemble de la population vivant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus, et d’un échantillon de 1.031 personnes, représentatif de la population vivant dans les villes de 100.000 habitants et plus.
Vous pouvez télécharger l’intégralité du PDF de l’enquête via ce lien.
Le point de vue de Jean-Philippe Dubrulle de l’Ifop
Citadins ou pas, les Français se montrent aujourd’hui majoritairement favorables au déploiement de la 5G. Sans pencher nettement en faveur d’un moratoire tel que proposé par des élus de gauche ni souscrire aux procès en futilité faits à la 5G, les interviewés émettent cependant des réserves, au premier rang desquelles la problématique de la collecte massive de données personnelles et l’impact environnemental de l’usage de la 5G – soit des considérations très techniques, qui arrivent nettement devant les effets délétères sur la santé supposés de cette technologie, dans un contexte où la crainte de la nocivité des antennes-relais a considérablement reculé depuis dix ans.
Au-delà de ce « oui » de principe que les Français donnent à la 5G, c’est la question des propositions « avant-gardistes » des édiles écologistes qui se pose, et surtout de leur adéquation avec les aspirations de la population. Force est de constater que les Français ne soutiennent pas les sentences sur le caractère machiste du Tour de France, l’indignité consubstantielle des forces de l’ordre, la morbidité de la tradition de l’arbre de Noël, etc. Pire encore pour les maires EELV : ils ne sont suivis sur ce terrain ni par leurs administrés ni par leur électorat ! Alors que ces élus cherchent à faire de leurs villes les laboratoires de l’écologie politique, mettre en avant ces positions peu fédératrices apparaît périlleux et surtout à rebours de la stratégie de recentrement et d’élargissement de l’électorat écologiste portée par Yannick Jadot depuis la campagne des élections européennes et promue en vue des prochaines échéances, locales comme nationales.
Jean-Philippe Dubrulle
Directeur d’études @IfopOpinion